VIe Rencontre du Transmanche

Mercredi 19 juillet 2023, sous le haut patronage du Cluster maritime français et d’Armateurs de France se sont tenues les VIe Rencontres du Transmanche « France Bleue et Régions face au dumping social sur le Transmanche ». Elles ont vu les trois Présidents de Région du Transmanche, Xavier Bertrand, Président des Hauts-de-France, Loïg Chesnais Girard, Président de la Bretagne et Hervé Morin, Président de la Normandie, répondre à l’invitation du Président du Cluster maritime, Frédéric Moncany de Saint-Aignan, du Président d’Armateurs de France, Edouard Louis-Dreyfus, du Délégué général d’Armateurs de France, Jean-Philippe Casanova et des 3 opérateurs français du Transmanche, Jean-Marc Roué, Président de Brittany Ferries, Christophe Mathieu, CEO de Brittany Ferries, Jean-Claude Charlo, CEO de DFDS-France, Anne-Sophie de Faucigny, Directrice de la Communication Groupe Getlink, représentant Jacques Gounon retenu, et en présence de Christine Ezcutari, Présidente du Conseil supérieur de la marine marchande, et de Christophe Lenormand, Directeur adjoint de la Direction générale des Affaires maritimes.

Au cœur de cette rencontre, les représentants institutionnels de la France Bleue et les opérateurs français du Transmanche ont présenté aux élus régionaux un tableau exhaustif des conséquences du dumping social pratiqué sur le Transmanche par deux compagnies arborant un pavillon chypriote. Le recours à des pavillons de complaisance, Malte et Chypre, introduit un modèle socialement dégradé incompatible avec des conditions de concurrence loyales et la protection des travailleurs. Le dumping social constaté aujourd’hui sur le Transmanche est rendu possible par le recours à ces pavillons européens. Les pavillons de Malte et de Chypre permettent en effet d’armer un navire sans que le commandant, les officiers et les marins soient européens. Ils n’ont pas de protection sociale comme de régime de retraite à cotisation obligatoire (patronale comme salariale). Ils leur permettent enfin de les rémunérer très en deçà des standards européens. 

On peut chiffrer précisément l’écart de compétitivité sur la base de la masse salariale. A navire équivalent en termes de taille et d’équipage, selon le pavillon français ou le pavillon chypriote, l’écart des coûts en masse salariale atteint un différentiel de 60% à 73%. En résumé, sur une journée d’embarquement saison haute, la masse salariale sous pavillon français coûte de 2,5 à 3,66 fois plus cher que sous pavillon chypriote, toujours à navire équivalent en termes de taille et d’équipage.

 

Enfin, le taux de rotation des équipages est moins élevé sous pavillon chypriote, en raison d’un nombre d’heures réglementaires à réaliser par salarié et par journée beaucoup plus important. Ceci génère une économie supplémentaire chiffrée à 10 000 € par jour de mer. Pour mémoire, les ferries sous pavillon chypriote peuvent faire naviguer et travailler leurs équipages jusqu’à 17 semaines non-stop en mer, 7 jours sur 7 et sans jour de repos. Le dumping social pratiqué par les compagnies sous pavillon chypriote leur permet donc des économies substantielles leur permettant d’afficher des tarifs fret et passagers low-cost et déconnectés au regard de ceux pratiqués par les compagnies fidèles au pavillon français. Depuis que P&0 a rejoint les pratiques low-cost d’irish Ferries permises par un dumping social pleinement assumé, les parts de marché des opérateurs du Transmanche, Brittany Ferries, DFDS et Getlink sont en nette régression sur le fret.

Enfin, les armateurs ont salué le volet de sécurité maritime que comporte la proposition de loi. Le Détroit de Calais voit passer en moyenne 600 navires par jour, en faisant la 2e zone maritime la plus fréquentée au monde. Le recours à des équipages fatigués par 17 semaines sans jours de récupération est un facteur accidentogène particulièrement aigu, ce qui rend impératif l’instauration d’un temps de repos obligatoire pour les marins opérant ces traversées.

La proposition de loi portée par le député Le Gac qui sera discutée en 2e  lecture à l’Assemblée, dans l’après-midi du 19 juillet, a pour objectif de freiner ces pratiques concurrentielles déloyales en imposant un salaire minimal conforme aux standards européens ainsi qu’un temps de repos obligatoire. Elle recueille le soutien sans réserve du Cluster maritime, d’Armateurs de France, du Conseil supérieur de la Marine marchande et naturellement des entreprises concernées.

Face à ce texte qui a beaucoup évolué depuis sa première version, il était nécessaire de clarifier ses dispositions auprès des Présidents de Région dont les ports sont les premiers spectateurs de l’offensive prédatrice des compagnies du low-cost social. Il était tout particulièrement important d’échanger sur le devenir de l’attractivité des ports du Transmanche une fois la loi adoptée. Les craintes étaient en effet fortes d’un déport sur des ports belges en mer du Nord. A ce sujet, les armateurs ont démontré l’impossibilité matérielle d’une « délocalisation » des lignes opérées par ces compagnies du low-cost. Ne serait-ce que par la longueur accrue des traversées (90 minutes entre Calais et Douvres, 14h30 entre Zeebrugge et le Royaume-Uni) ne permettant pas plusieurs rotations quotidiennes et rédhibitoires pour les passagers du Détroit. L’attractivité du Détroit n’a jamais été remise en question, ni la croissance de ses échanges, depuis plus trente ans, alors même que seuls flottaient les pavillons britanniques et français. Enfin, la société évolue, les considérations environnementales, sociales et de souveraineté rentrent de plus en plus en ligne de compte dans le choix d’un opérateur de transports pour toute entreprise confrontée aux engagements de son RSE. La future loi Le Gac viendra conforter et soutenir une tendance sociétale appelée à se renforcer, du secteur aérien au secteur maritime.

Les trois Présidents de Région ont tous exprimé avec force leur soutien sans réserve à ce combat partagé avec les opérateurs du Transmanche. Ils jugent inacceptable, tant d’un point de vue moral que social et politique qu’une exploitation éhontée de travailleurs extracommunautaires se généralise sur les côtes françaises. Les représentants institutionnels de la France Bleue et les Présidents de Région ont ainsi pu conclure sur une position résolument offensive face au dumping social actuel, considérant qu’en faisant preuve de solidarité, il sera possible, une fois la loi adoptée, de retrouver un niveau de sécurité et des conditions sociales permettant aux compagnies les plus vertueuses de faire face à la concurrence à armes égales. Ce combat ne fait que commencer. C’est à l’échelle de l’Union européenne que les opérateurs du Transmanche, les grands élus des territoires et l’Exécutif doivent entamer, de façon concertée, une action pour faire bouger les lignes et contrer ce dévoiement des pavillons de complaisance qui se fait contre les travailleurs, les entreprises et les territoires de l’Union européenne. Quand cette question du dumping social arrivera sur le bureau de la Commission, la France Bleue sait pouvoir compter tant sur ses parlementaires que sur les grands élus des Régions Bretagne, Hauts- de-France et Normandie !

 

 

Les Rencontres du Transmanche sont organisées depuis 2020 par le cabinet Alianico Conseil. Elles réunissent les grands opérateurs français du Transmanche et sont un lieu d’échanges et de débats privilégié avec les parlementaires, les élus des territoires et les membres de la haute administration de l’Etat pour toutes les questions d’actualités politique et économique du shipping français transmanche.

 

Contact : Bruno Denoyelle – + 33 (6) 82 97 84 09