Protection de la biodiversité, au-delà des juridictions nationales

Les négociations relatives à la création d’un nouvel accord sur la protection de la biodiversité en haute mer (dite « BBNJ »)[1] se sont ouvertes début septembre 2018 lors de la Conférence des Nations-Unies sur les océans à New-York.

Le statut actuel de la Haute Mer

L’enjeu n’est pas des moindres puisqu’en vertu de l’article 1er de la Convention de 1958 sur la Haute Mer, celle-ci constitue tous les espaces marins situés au-delà de la mer territoriale des Etats. Elle représente près des deux-tiers des océans soit 95% des zones habitées par des formes de vie sur notre planète, produit une importante quantité d’oxygène et regroupe une biodiversité extrêmement riche encore mal-connue. Pourtant, elle ne fait l’objet de quasiment aucune protection juridique à l’heure actuelle.

En beu foncé : les eaux internationales, hors de la zone économique  (source : Wikipédia)

Depuis la publication du Mare Liberum de Grotius en 1609, la liberté- de navigation, de pêche, de pose de pipelines et câbles sous-marins ou encore scientifique- demeure le principe fondamental régissant cette zone. La haute mer n’appartient à aucun pays, et la devise qui s’y applique est donc celle du « premier arrivé, premier servi ». Néanmoins, les Etats du pavillon et les Etats du port détiennent des droits et obligations qui interfèrent directement avec le principe de liberté dans des circonstances très particulières, notamment en cas de menaces pesant sur un Etat riverain, ou en cas de lutte contre la piraterie et le trafic de stupéfiants. Ainsi, comme l’a récemment rappelé Esben Poulsson, président de l’International Chamber of Shipping (ICS), « les activités d’un armateur ne sont jamais complétement détachées de toute juridictions nationales, même en haute mer. »

La Haute Mer : un milieu de plus en plus menacé

Cet immense espace est aujourd’hui mis en péril à la fois par les impacts directs des activités humaines qui s’y déroulent, mais également par le phénomène progressif du réchauffement climatique.

Plus que jamais, la haute mer génère de nombreuses convoitises, aussi bien pour ses ressources halieutiques (6% de la totalité de la pêche mondiale ayant lieu au-delà des juridictions nationales) que pour de potentielles ressources énergétiques et génétiques[2]. Le progrès technologique permettant l’extraction de matières premières dans des eaux de plus en plus profondes a indéniablement des conséquences sur la biodiversité située dans des zones autrefois inatteignables et donc non menacées. En outre, le réchauffement climatique contribue également à fragiliser la faune et la flore marine, en provoquant l’acidification des océans dont les effets sont visibles aussi bien sur les côtes qu‘en haute mer.

Les enjeux du nouvel accord

Le nouvel accord devra donc combler le défaut de gouvernance actuelle de la haute mer en instaurant un cadre juridique contraignant favorisant la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité. Il viendra compléter la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer (dite de « Montego Bay ») adoptée en 1982 qui traite également de la protection et la préservation du milieu marin.

Les négociations devraient aborder plusieurs problématiques parmi lesquelles la question des ressources génétiques, du partage des connaissances et transfert de technologies, et la création d’aires marines protégées, notamment en Arctique. Ce dernier point pourrait avoir un impact direct sur le transport maritime. L’ICS, conjointement avec l’association des armateurs de la communauté européenne (ECSA) insiste donc sur la nécessité de préserver la liberté de navigation en haute mer. Elle rappelle par ailleurs que la Convention Internationale pour la prévention de la pollution par les navires (MARPOL) adoptée sous l’égide de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) couvre quasiment tous les types de pollution causés par le transport maritime. Ainsi, il est primordial que l’OMI demeure le principal organisme compétent à l’échelle internationale pour développer les réglementations environnementales s’appliquant au transport maritime.

Le nouvel instrument devrait être adopté d’ici 2020, et à l’instar de la convention de Montego Bay, les Etats-Unis ont déjà affirmé leur intention de ne pas y être Partie.

Pour en savoir + :

Communiqué de presse de l'ICS : Start of Major UN Negotiation on Future Ocean Governance (septembre 2018)

"Créer et mettre en œuvre un cadre institutionnel et juridique afin de protéger les habitats et la biodiversité situés au-delà des juridictions nationales" (Unesco, 2017) 

"5 reasons why High Seas need protection” (Safety4Sea, juillet 2018)

Preparing for negotiations on BBNJ” (IUCN, novembre15) 

 

[1] BBNJ : Biodiversity Beyond National Jurisdiction

[2] En vertu de la convention sur la biodiversité biologique de 1992 dite « Protocole de Nagoya », une ressource génétique est un « matériel ayant une valeur effective ou potentielle. » Il s’agit de "matériel d'origine végétale, animale, microbienne ou autre, contenant des unités fonctionnelles de l'hérédité".

© JM Grunberg

Date publication: 
Vendredi, 14 septembre, 2018 - 09:45
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