PORTRAIT DE MARIN : RENÉ PAQUIGNON, ORANGE MARINE

René Paquignon, Team Leader Jointage chez Orange Marine, nous livre un témoignage passionnant sur son parcours !

 

 

1/ Pourriez-vous vous présenter ? 

Je suis né à Pointe Noire (Congo) mon père travaillait là-bas, mais je n’y suis resté que jusqu’à l’âge de 2 ans, à cause des évènements dans ce pays, à cette époque. Nous sommes donc rentrés en France, Marseille, la ville de mon père (Paul Marius).

 

2/ D'où vient ce déclic pour le monde de la mer ?  

Après avoir fait de  nombreuses croisières avec mes parents dans mon enfance, j’ai découvert une nouvelle passion pour les voyages. Voire de nombreux pays, me faisait rêver. J’en ai parlé à ma grand-mère, qui n’a pas lâché l’affaire et qui n'a depuis cessé de pousser vers ce métier, que je regrette en aucun cas. 

 

3/ Quelle est votre formation ? 

Je suis rentré chez Orange Marine (FTRSI, France Télécom Marine…) en 1980 pour un stage d’été, après mon année d’école maritime, stage que je vais bientôt interrompre pour une retraite bien méritée !

J’ai commencé par le service machine sur le NC Marcel Bayard qui hélas a brulé quelques jours avant son départ pour les Bermudes.

Muté sur le NC AMPERE, bateau à vapeur, déjà vieux à l’époque et première mission au large de l’Algérie, beau temps, une mer d’huile magnifique, des dauphins, des poissons volants, des baleines et bien d'autres merveilles.

Comment voulez-vous qu’un jeune n’aime pas ce travail !  Je n’avais plus très envie de repartir sur les bancs d’un lycée.

J’ai alterné les passages au pont et à la machine, mais il faut dire qu’à l’époque il n’y avait pas beaucoup de jeunes de mon âge, ils étaient tous un peu comme des pères ou des grands frères pour moi. Je me régalais à écouter les histoires des « anciens » avec les accents orientaux et du midi, pour moi c’était presque du Pagnol. Je passais vraiment des journées à apprendre mon métier dans la bonne humeur. Après mon service militaire sur le porte-avions Clémenceau, un an au large de Beyrouth. Je suis revenu dans la compagnie, le concours interne pour devenir jointeur, m’a ouvert les bras.

 

4/ En quoi consiste le métier de jointeur ? 

C’est un métier très minutieux qui évolue sans arrêt. J’ai commencé par des câbles sous plomb puis télégraphique, la coaxiale et la fibre. Mon métier de jointeur consiste à raccorder des câbles de différents types ou de même nature entre eux, avec des fibres qui peuvent être différentes aussi. Il y a une multitude de possibilités. Ce qui parfois peut comment dire… nous donner de la fibre à retordre ! 

Dans un premier temps, il faut faire les ancrages, c’est la phase qui permettra de faire la résistance mécanique du câble pour qu’il puisse tenir entre 7 et 10 tonnes en tension, suivant les types de câbles.

Ensuite nous devons souder les fibres entre elles, pour assurer la continuité optique, le rangement sans contrainte pour éviter une perte de signal. Vient ensuite le moulage, qui permet d’assurer l’étanchéité du câble. Le moulage est suivi d’une radiographie, pour analyser la moindre petite imperfection. En effet, il faut qu’il soit parfait, puisqu'il va isoler le passage du courant électrique : aucune bulle ni inclusion métallique. Finalement, suivant la profondeur, il faut remettre en place des armures par faible profondeur, ou un écran « fish bite » pour des grandes sondes. (Protection anti champ magnétique sur le câble pour éviter d’attirer des poisons).

 

5/ Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre métier ?

J’ai eu l’occasion de faire ce travail en partenariat avec des personnes de diverses nationalités, j’ai pu comparer, apprendre ou faire connaitre différentes astuces, ou pratiques. Toujours très enrichissantes.  Les navires câblier du monde utilisent tous la même technologie. Nous possédons tous la « bible », la spécif de l’UJ Consortium qui traite de tous les types de câbles qui peuvent exister, quel que soit le fabricant. Ce sont des procédures, constamment remisent à jour suivant les différentes évolutions de câble, d’appareil, de nouveaux kits, etc.

Mais chaque mission terminée, nous apporte un peu plus de savoir, et reste un bon souvenir. J’ai eu l’occasion dans ma carrière de participer à des missions sur tous les navires de la compagnie, le (Bayard), l’Ampère, Vercors, Thévenin, Croze, Fresnel, ScandiHav, Descartes, Le Fermat mais aussi quelques navires étrangers comme, Telliri Monarch, Alerte, Iris, Flex service, Atlantida, Ténéo, Meucci Mercury et même le Jules Verne (Grecque), une carrière bien remplie, pleine de bons souvenirs.

Toutes les missions sont différentes, j’en ai eu sur un remorqueur au Maroc, sur des barges à Porquerolles, dans un terrain vague en bord de mer en Albanie, sur des plages de rêves à Bali ou aux États Unis, en Égypte, en Grèce, au Canada, au Brésil, à Sydney, en Australie, au Cap en Afrique du Sud, en Patagonie, au Chili et en Guadeloupe…. Jamais je n’aurais imaginé autant de pays pour faire mon travail. J’ai même eu l’occasion de retourner dans mon pays natal. Je dois avouer que je suis très fier quand je raconte mes missions à mes amis ou ma famille.

 

6/ Pouvez-vous nous décrire la journée type du jointeur ? 

Une journée type, quand je ne suis pas en opération, c’est de former la nouvelle génération de jointeurs. Ils ont le même âge que j’avais lorsque j'ai débuté. Ils sont désireux d'apprendre,  ils assimilent rapidement les notions afin d’apprendre ce métier qui, bien que pas toujours évident est très passionnant.

Faire des qualifications du training sur différents types de câbles. Relire les spécifs pour voir les évolutions, vérifier le matériel et le tester, faire des inventaires d’outillage, de matériel de spare, des colles et autres solvants que nous utilisons, vérifier les dates de péremption, mettre à jour les dossiers de réparations……Nous avons des procédures à respecter et la moindre faute pourrait se retourner contre nous et compromettre une opération.

Cependant, une journée avant opération n’est pas du tout la même chose : inventaire des kits, gestion et surveillance du chargement de câble, préparation câble pour test, préparation des spécifs jointage, des rapports et la vérification du matériel. La journée est très agitée, il ne faut rien oublier et il y a beaucoup de choses à faire simultanément.

Une fois que le navire est appareillé, la pression retombe et le bruit de la mer nous calme pour le transit. 

Lorsque les jointeurs entrent en action, il faut entre 12 à 18 heures pour faire un joint complet. Une fois la réparation terminée c’est la remise en état et le rangement du matériel et les rapports, inventaires commandes à faire. Mais là, la pression est complètement retombée et une bonne ambiance règne.

 

7/ Avez-vous un souvenir à partager avec nous ? 

Mon plus beau souvenir, il y en a tellement que ce n’est facile, mais je dirai ma mission à Bali. C’était pour moi un dépaysement total une autre culture, avec des paysages extraordinaires. Des gens simple et chaleureux, bon certes beaucoup de misère. J’ai eu la chance de passer plusieurs jours à quai et de pouvoir visiter des temples, des rizières, de voir des plages de catalogues et de me fondre dans la foule. Une tout autre culture. Quand j’ai vu que les Australiens venaient y faire leurs voyages de noces, et moi j’étais là pour le travail et je découvrais cette ile fabuleuse et accueillante. C’était vraiment fantastique.

Voilà, vous en savez un peu plus sur moi et ma carrière. Je ne regrette rien de cette vie riche en amitiés et en aventures.

 


Crédits photos : © Orange Marine

Date publication: 
Mardi, 22 juin, 2021 - 15:00
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