3 questions au Président de la Chambre Arbitrale Maritime de Paris

Créée en 1929 à l'initiative du Comité Central des Armateurs de France, auquel Armateurs de France a succédé, la Chambre Arbitrale Maritime de Paris (CAMP) fête cette année ses 90 ans.

 

A cette occasion, le professeur Philippe Delebecque, Président de l’institution nous présente l’arbitrage ainsi que l’organisation et le fonctionnement de la Chambre.

 

1) Qu’est-ce que l’arbitrage et quel est son intérêt pour le shipping ?

L’arbitrage est le mode de règlement habituel, et contractuel, des différends dans les opérations de commerce international. Il n’est pas étonnant qu’il soit très présent dans le shipping.

Chambre d’arbitrage professionnelle, la CAMP compte une cinquantaine d’arbitres répartis en trois collèges : praticiens, juristes et techniciens. Ces derniers sont à même d’analyser et d’apprécier les expertises que les parties peuvent présenter au Tribunal. Les arbitres sont inscrits en fonction de critères rigoureux, au premier rang desquels figurent la compétence, l'expérience et l'indépendance. Ils sont choisis parmi des professionnels appartenant ou ayant appartenu à des organismes ou entreprises dont l'activité est consacrée au commerce international et à l'industrie maritime, étant cependant souligné qu'ils ne font pas de l'arbitrage leur profession exclusive.

Dans la catégorie "techniciens", nous avons, par exemple, plusieurs ingénieurs civils du génie maritime, ce qui épargne à la Chambre de faire appel à des experts extérieurs et permet de limiter le coût général de l'arbitrage.

La vocation de la CAMP est d’organiser des conciliations et des arbitrages en matière maritime pour répondre aux attentes des armateurs, chargeurs, assureurs, courtiers … exposés aux litiges inhérents à la vie des affaires.

Le règlement d’un litige par la voie de l’arbitrage est d’un triple intérêt pour le shipping :

Il a pour premier avantage la rapidité de la procédure : pour un litige soumis à la CAMP, la sentence est en principe rendue dans un délai de six mois à compter de la saisine du ou des arbitres[1].

Un autre avantage tient au traitement même de l’affaire : les arbitres statuent en droit mais aussi en considération des usages, de la pratique et de leur expérience professionnelle dans les activités maritimes. On se dispense ainsi d’experts, car les arbitres ont eux-mêmes cette qualité.

Par ailleurs, la Chambre, grâce à la compétence et la connaissance de ses arbitres de diverses nationalités, peut être choisie pour juger tout litige lié au monde maritime dans le droit le plus en adéquation avec l’affaire qui lui est présentée et ce, comme il en aura été décidé au préalable entre les parties.

A ces premiers intérêts s’ajoute celui de la plus grande confidentialité, élément déterminant de la vie des affaires, et celui qui tient au caractère très raisonnable, en l’occurrence, des barèmes. 

 

2) Quelles sont les principales thématiques des litiges soumis à la Chambre ?

Les litiges portent généralement sur :

  • L’affrètement, au voyage[2], à temps[3] ou encore coque-nue, et le transport maritime de marchandises sous toutes ses expressions[4] ;
  • Les relations entre les armateurs et les auxiliaires maritimes[5] ;
  • La construction et la réparation navales, la classification des navires, les opérations off-shore ;
  • Les événements de mer : abordage, assistance, avaries communes.

Sa jurisprudence très soucieuse de l’équilibre des intérêts en cause, du respect du contrat et des usages professionnels, est accessible à travers les résumés des sentences.

La Chambre est également compétente pour traiter des litiges de caractère fluvial. Elle porte aujourd’hui une attention particulière à toutes les activités logistiques, en plein essor.

Elle propose aussi ses services pour faciliter les conciliations et médiations.

 

3) Comment se déroule la procédure ? Quelles sont les spécificités d’un arbitrage auprès de la CAMP ?

Le point de départ de la procédure est le dépôt d’une demande d’arbitrage au Secrétariat de la Chambre. Après échange des mémoires et pièces, ainsi que le versement d’une consignation par chacune des parties pour couvrir les frais et honoraires d’arbitrage, le Tribunal Arbitral est appelé à se prononcer.

Généralement composé de trois arbitres (deux d’entre eux sont désignés par chacune des parties, le troisième, qui préside le collège arbitral, est nommé par le Comité de la Chambre), le Tribunal entendra les arguments respectifs des parties en leur demandant d’insister sur les questions de fond qui les opposent, étant précisé que la règle absolue est le respect du contradictoire.

On ajoutera que l’une des originalités de cette procédure est la possibilité donnée aux parties de soumettre leur litige à un second examen au sein même de la CAMP. Les parties peuvent toutefois, si elles le souhaitent, y renoncer.

 

 

 


[1] Sauf prorogation décidée par les parties ou par l’institution arbitrale.

[2] Il peut s’agir de litiges concernant les surestaries (une somme à payer dont le montant dépend du nombre de jours de retard pour le chargement ou le déchargement du navire qui fait l’objet d’une charte partie) ou la despatch (une prime à payer dont le montant dépend du nombre de jours d’avance pour le chargement ou le déchargement du navire qui fait l’objet d’une charte partie).

[3] Comme, par exemple, la répartition des frais d’exploitation.

[4] Un recours des assureurs facultés pourra être soumis à la CAMP.

[5] Manutentionnaires, consignataires, agents, transitaires, commissionnaires, etc…


 

Pour aller + loin :

 

 
Date publication: 
Mercredi, 23 octobre, 2019 - 14:15
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