Soufre : avis de tempête

Après des semaines de discussions, et malgré le cri d'alarme de l'industrie armatoriale européenne, la Commission a indiqué qu'elle n'autoriserait pas la France ou un autre Etat membre à engager une action devant l'Organisation maritime internationale (OMI) aujourd'hui. Le 8 février est en effet la date limite pour le dépôt d'une soumission française auprès du prochain comité de protection de l'environnement marin (MEPC), compétent au sein de cette organisation sur le dossier du soufre.

Depuis plusieurs mois, les armateurs français demandaient un délai supplémentaire de 3 ans pour appliquer les objectifs de la convention MARPOL[1] aux navires déjà en service en Manche/Mer du Nord. Dans cette zone, dite de contrôle des émissions de soufre (SECA), l'industrie doit en effet appliquer dès le 1er janvier 2015 une teneur en soufre de 0,1% (contre le 1er janvier 2020 dans les autres régions). Or cette mesure ne s'applique pas seulement aux navires neufs, comme c'est le cas habituellement pour ce type de réglementation, mais également à tous les navires existants, quel que soit leur âge ou leurs spécificités.

Afin de tenir leurs engagements, de nombreux armateurs français se sont donc engagés à passer au plus tôt au GNL (Gaz naturel liquéfié) mais l'adaptation des navires existants représente un coût tel qu'il est impossible d'équiper toute la flotte concernée d'ici 2015. Pour les entreprises maritimes du nord et de l'ouest de la France, déjà profondément affectées par une conjoncture dégradée, cette situation est intenable économiquement et pourrait leur être fatale.

Malgré son initiative de décembre et les nombreux soutiens reçus, le Gouvernement français n'a donc pas réussi à réunir autour de lui une majorité d'Etats membres. En réponse, la Commission européenne assure pour la première fois qu'elle a entendu les préoccupations des entreprises de transport maritime et ouvre la discussion dans deux directions, l'une sur un plan d'aides à l'industrie (la "toolbox"), l'autre sur l'application de règles de report déjà existantes. La convention MARPOL permet par exemple de reporter l'application de la nouvelle teneur en soufre en cas d'essai de nouvelles technologies, pour une période de 18 mois renouvelable ou non. Tout en gardant ouverte l'hypothèse d'une soumission à l'OMI, les discussions devront continuer sur cette base au sein du groupe de travail transports du conseil des Ministres européens.

Pour Armateurs de France, le combat doit continuer car il y a plus que jamais urgence à agir pour apporter des solutions précises aux entreprises concernées. Pour cela, il faut que le Gouvernement français et la Commission présentent au plus vite un plan d'actions global en faveur des entreprises concernées. Au niveau national, ce plan doit comprendre un soutien fort des pouvoirs publics en faveur de la filière du GNL, à travers notamment les investissements d'avenir (en matière de recherche et de développement) et un engagement des autorités portuaires à s'équiper en capacités de soutage.

Aujourd'hui plus que jamais il est vital de rappeler combien l'industrie des transports et des services maritimes est un des poumons de notre économie.

"Nous regrettons l'échec de cette première initiative française mais nous devons continuer à avancer", a déclaré Raymond Vidil, président d'Armateurs de France. "Cette première étape a permis de nous faire entendre à Bruxelles et de faire bouger les lignes. Il faut maintenant trouver des solutions concrètes car le compteur tourne. Si nous échouons, ce sont des entreprises et des emplois qui disparaitront.

"La meilleure façon de ne pas détruire l'emploi, c'est d'abord de préserver ce qui existe", a-t-il insisté.


[1] Convention Internationale pour la prévention de la pollution par les navires du 2 novembre 1973

Contact presse : Pasquine ABERTINI
06.24.35.45.43
p-albertini@armateursdefrance.org