Ratification de la convention "eaux de ballast" : de nombreuses questions en suspens

Armateurs de France se félicite de la ratification, intervenue le 8 septembre 2016, de la convention internationale pour le contrôle et la gestion des eaux de ballast et sédiments des navires, mais demeure prudent quant à sa concrétisation.

Les armateurs français se sont d’ores et déjà engagés dans la lutte contre les espèces invasives, de la meilleure des manières en soutenant le processus d’élaboration d’une réglementation internationale. Ils ont soutenu le principe général de cette convention, adoptée en 2004, qui vise à s’assurer que les eaux de ballast, indispensables à la sécurité des navires, ne soient plus des vecteurs de transport des espèces invasives.

Néanmoins, derrière ce principe se cachent encore de nombreuses difficultés de mise en œuvre, qui, de surcroît, devraient peser financièrement sur les compagnies.

En effet, du fait des difficultés techniques rencontrées, l’Organisation maritime internationale est contrainte de redéfinir, dans l’urgence, les règles d’approbation des systèmes de traitement des eaux de ballast. Les armateurs sont donc confrontés à un double problème :

  • une obligation de s’équiper sans garantie que les systèmes disponibles sur le marché répondent à la réglementation modifiée ;
  • une réglementation américaine unilatérale, l’administration américaine ayant annoncé qu’elle approuverait ses propres systèmes, indépendamment de la convention internationale. Ainsi, l’administration américaine rejette, par principe, les systèmes de traitement par UV, alors que 50% de la flotte mondiale déjà équipée l'est de cette manière, notamment en France.

Les nombreuses incertitudes qui entourent l’application de cette convention nous rappellent que, pour être pleinement efficaces, les règles internationales doivent se voir garantir une application uniforme par tous les États.

Ainsi, le paradoxe est qu’à peine ratifiée, la convention devra probablement être modifiée. En effet, l’ensemble de la communauté maritime (États et associations professionnelles) est convaincue de l’impérieuse nécessité d’en modifier le contenu, pour la rendre réellement applicable et, surtout, pleinement efficace d’un point de vue environnemental.

Pour Gildas MAIRE, Président d’Armateurs de France, "cette convention internationale constitue un indéniable progrès pour un shipping éco-responsable. L’échelon international (OMI) est le seul qui permette à tous les armateurs de s'exprimer à armes égales dans la compétition mondiale. C’est précisément pour cette raison que la communauté maritime a le devoir de créer des conditions optimales pour son entrée en vigueur dans les meilleurs délais. C’est loin d’être le cas actuellement. Sa ratification doit permettre de débloquer cette situation".

 

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La gestion des eaux de ballast
Dans le transport maritime, on nomme "ballast" les grands réservoirs, qui permettent d’accueillir d’importantes quantités d’eau, les "eaux de ballast", lesquelles jouent un rôle de stabilisateur, permettant d’équilibrer le navire, ou de corriger son assiette en cas de gîte, ou de roulements de cargaisons. Elles garantissent aussi un enfoncement suffisant du navire dans l’eau pour un fonctionnement efficient de l’hélice. La vidange (déballastage) de ces réservoirs peut poser des problèmes écologiques, par dispersion de certaines espèces, vivant dans une partie des eaux du globe et rejetées dans une autre, pouvant devenir invasives et ainsi nuire à la zone de rejet.

Une réglementation fluctuante dans le cadre de l’Organisation maritime internationale
Depuis plusieurs années, l’Organisation maritime internationale (OMI) a approuvé, suite à un long processus de tests, un nombre important de systèmes de traitement des eaux de ballast. Malheureusement, il est apparu que les protocoles de test ne permettaient pas de garantir, dans toutes les conditions, un fonctionnement conforme à la réglementation. Dans ce cadre, un armateur ayant embarqué un système approuvé et l’ayant utilisé conformément aux préconisations du fabricant pourrait donc néanmoins être pénalisé lors d’un contrôle par l’Etat du Port.
Conscientes de ces difficultés, l’OMI a entrepris des travaux de modification des règles d’approbation de ces systèmes qui ne sont pas encore finalisées.

Une réglementation américaine plus contraignante
Par ailleurs, les États-Unis ont mis en place une réglementation plus contraignante et pour laquelle l’administration des US Coast Guard n’a encore approuvé aucun système de traitement. De plus, cette administration rejette, par principe, les systèmes à traitement par UV, alors que 50% de la flotte mondiale déjà équipée l’est sur ce mode.

Des difficultés de mise en application de ce texte
Les travaux d’installation de ces systèmes nécessitent le plus souvent un passage du navire en cale sèche. D’ici un an, les premiers navires passant en arrêt technique devront donc s’équiper alors que nous n’avons aucune garantie de disposer de systèmes approuvés aussi bien aux nouvelles normes "OMI" qu’à celles des USA.
Les armateurs ont donc une obligation de s’équiper dans des délais courts sans garantie que les systèmes sur le marché répondent à la réglementation modifiée.
Il est donc indispensable de prévoir des règles permettant de ne pas pénaliser les armateurs qui ont fait le choix d’installer, par anticipation, des systèmes de traitement approuvés par l’OMI et qui pourraient ne plus correspondre aux nouveaux standards d’approbation.